« On est un collectif, mais chaque exploitation est individuelle »
Le collectif est au cœur de la ferme des Arbolèts dans le Gers, mais chaque participant est maître sur son exploitation. Une façon d’éviter l’isolement tout en limitant les prises de tête.
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Tout est parti d’une histoire d’amitiés. De discussions croisées, est né un atelier de maraîchage. D’un réveillon de nouvel an, s’est jouée l’installation d’un élevage de porcs. En somme, d’heureux hasards qui ont donné naissance à la ferme des Arbolèts. Située dans le Gers, elle regroupe un collectif de sept chefs et cheffes d’exploitation.
« On ne fait pas d’ingérence », pose Noémie Calais alors qu’elle s’occupe de ses porcs noirs en plein air en cette journée ensoleillée de novembre. « Nous sommes tous séparés financièrement et juridiquement ». Ainsi, sur un même lieu se trouvent deux Gaec, deux EARL et une entreprise individuelle.
D’une à cinq exploitations
À l’origine, la ferme accueillait un élevage conventionnel de 3 000 porcs, mené par Marie-Sylvie Herman, 61 ans. Faute de repreneurs, elle arrête son activité et se consacre à la culture sur 110 hectares en 2019. Son fils, Hugues Ancellin, s’installe en élevage biologique d’ovins et de caprins en 2017, sur 45 hectares dont 8 ha repris à Marie-Sylvie, rejoint par Éléonore Durin deux ans plus tard. Deux amis communs, Benjamin Benquet et Philippine Gin, 36 et 35 ans, se sont associés au début de 2018 sur 1,5 hectare de légumes bio et 2 500 m² de serres.
Noémie Calais, 33 ans, a rejoint l’aventure des Arbolèts sur 4,5 hectares, à la fin de l’année de 2018 après un stage dans l’élevage de porcs auprès de Marie-Sylvie Herman. Dernier arrivé en date : Nicolas Estrade, 41 ans, s’est installé sur 15 hectares de céréales pour produire des boissons végétales à la fin de l’année 2020. Les surfaces des trois ateliers ont toutes été cédées par Marie-Sylvie.
Si les cinq activités sont distinctes, elles se retrouvent sous une même charte, à laquelle chaque chef d'exploitation adhère. Trois grands principes y sont énumérés : « la défense de l’agriculture biologique, un volet sur la transmission et la commercialisation en circuit court », détaille Benjamin Benquet, l’un des maraîchers, en train de rénover un mur à l’aide d’argile et de paille.
Tous les midis, le repas est pris ensemble. Au menu ce jour, des toasts de fromage de chèvre, légumes cuisinés avec du porc, des pâtes et un yaourt de brebis. La grande majorité approvisionnée dans un rayon d’un kilomètre. Ces rendez-vous quotidiens sont une vraie « chance » pour Marie-Sylvie Herman aux commandes du repas du jour, qui aime « partager tous les jours quelque chose de [sa] vie ».
Renouvellement des générations
Le collectif s’est formé progressivement. Philippine Gin, qui « enchaînait les CDD pénibles et pas intéressants » ne se voyait pas s’installer seule, car non-issue du monde agricole, tout comme Noémie, qui travaillait avant à Londres dans un cabinet de conseil. De son côté, Benjamin Benquet était professeur de judo. Il souhaitait une installation à deux en maraîchage. « Le collectif plus élargi, c’est que du bonus. »
Dossier : réussir l’installation en collectif (25/08/2023)
Tous prônent le collectif pour lutter contre l’isolement. « On met en commun tous nos savoirs », sourit Nicolas Estrade dans son atelier de boissons végétales d’avoine, d’épeautre et de soja. « Même si je suis tout seul sur mon activité, on a des problématiques communes », estime-t-il se référant aux circuits courts.
Chaque jeudi, la vente directe à la ferme de tous les produits (viande de porcs, légumes, boissons végétales et produits laitiers) permet d’offrir une gamme variée aux clients. Les producteurs vendent aussi sur les marchés ou dans des épiceries. À la ferme, le gros matériel est partagé et permet de diviser les frais. D’abord informel, le collectif a maintenant sa propre association « pour cadrer les activités de vente à la ferme et l’accueil d’événements ponctuels », explique Noémie Calais.
Vente directe
Chaque semaine, une heure de réunion est consacrée à la gestion du collectif et aux futurs projets en commun : organisation des ventes à la ferme, création d’une Cuma… En cas de désaccord persistant, le collectif fait appel à une association locale, l’Atag (association tarnaise pour le développement de l’agriculture de groupe), qui les accompagne dans la résolution de conflits.
Si les structures indépendantes et les lieux de vie différents permettent de « limiter les dissensions humaines », selon Benjamin Benquet, « il faut être patient, reconnaît Philippine Gin, et s’accorder au calendrier de tout le monde parce qu’on ne s’est pas installé en même temps ». Une machine « un peu lourde à prendre des décisions », mais qui n’enlève en rien à l’intérêt du collectif, assure Marie-Sylvie Herman. La future retraitée est certaine qu’« avec ces jeunes », elle a « retrouvé un sens extraordinaire à cette ferme ».
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